L’échappé·e du bonheur
Certaines approches de développement personnel ou professionnel positionnent l’individu comme agent unique de sa réussite. Souvent, ces mêmes approches, non seulement tiennent l’individu pour seul responsable de son bonheur, mais font du bonheur une valeur morale.
L’injonction au bonheur guette !
Quel bonheur ?
D’après ces approches, il se définit sur le plan psychique comme un état de constante sérénité. Sur le plan matériel, il renvoie une image d’un succès sans aspérité, d’une liberté totale et de performances effrénées.
Certain·e·s de mes client·e·s ont mis en place et maintenu durant plusieurs années des stratégies rigoureuses pour atteindre un tel bonheur. Ils·elles ont navigué du déni émotionnel au consumérisme, en passant par l’application méthodique de recettes self-helped pour améliorer sa vie et développer sa carrière. La plupart du temps, cela finit par se craqueler sous la pression des émotions dites négatives, celles qu’ils·elles ont voulu aplanir, repousser ou nier et qu’ils·elles ont involontairement rassemblées en collectif–d’émotions-maltraitées-voire-pas-traitées-du-tout.
En quoi cette définition pose problème ?
Considérer le bonheur comme une affaire individuelle et en donner une définition unique pour tous·tes, voilà qui occulte complètement l’environnement socio-économique dans lequel l’individu se situe tout en niant la diversité des aspirations individuelles et, dans la foulée, la variété des définitions singulières du bonheur.
Avec sa présence sourde et son cortège de frustrations et d’incompréhensions, la pandémie nous rappelle que l’accès au bonheur est conditionné à la fois par les événements et, à la fois, par le contexte de vie, le lieu de naissance, l’éducation en passant par la classe sociale, entre autres. Le bonheur n’est pas accessible de manière égale à tout·e un·e chacun·e.
Quelques pistes pour esquisser sa propre vision du bonheur
Pour s’affranchir d’un bonheur prescrit et cristallisé autour des représentations du succès, que diriez-vous de reconnaître que la vie est complexe et incertaine ? Elle ne se limite pas au succès et nous propose d’expérimenter une large gamme d’émotions. Le bonheur nécessite de la flexibilité émotionnelle, soit la capacité à visiter pleinement toutes les émotions, celles dites négatives aussi.
Saisir, transformer, incorporer et danser avec l’échec et la douleur, autant d’expériences desquelles il est possible d’apprendre et de créer des opportunités.
En acceptant de ne pas être heureux·se à tout moment et en tout point, nous nous retrouvons, chacun·e, notre courage à pleines mains, à modeler une définition de son propre bonheur.
Et vous, quel goût a votre bonheur ? A-t-il une saveur immédiate, ou plus âpre, vise-t-il un objectif à long terme, a-t-il un coût et lequel ?